Lors de la 35e édition du festival du photojournalisme de Perpignan, une série d’expositions ont porté leur focus sur le réchauffement climatique. Lorsque la discussion se tourne vers le réchauffement climatique, l’accent est souvent mis sur des régions éloignées et vulnérables. Cependant, Sandra Mehl a révélé un récit plus proche de chez nous : celui des premiers réfugiés climatiques officiels des États-Unis, basé sur une immersion de sept ans auprès des habitants de l’Isle de Jean-Charles, en Louisiane.
L’Isle de Jean-Charles est située dans la paroisse de Terrebonne, en Louisiane. Elle est entourée par une multitude de canaux et baies s’ouvrant sur le Golfe du Mexique. Historiquement, cette terre est le territoire ancestral de la tribu des Biloxi-Chitimacha-Choctaw. Durant des siècles, elle a joué un rôle essentiel dans la culture et la subsistance de ces Amérindiens francophones, loin des agitations urbaines de la Louisiane.
À 130 km au sud de La Nouvelle-Orléans, l’Isle de Jean-Charles, autrefois un bastion de la culture et de la vie communautaire, s’est littéralement effondrée. Depuis 1955, 98 % de sa superficie a été engloutie. La principale cause de cette contraction est la montée des eaux, un phénomène exacerbé par d’autres facteurs comme l’érosion côtière et la fréquence accrue des ouragans. Les activités humaines, notamment l’industrie pétrolière du Golfe du Mexique, ont aussi influencé ce changement.
L’industrie pétrolière a une forte empreinte dans le golfe du Mexique, avec environ 4 000 plateformes éparpillées dans la région. Ces infrastructures, accompagnées de milliers de kilomètres de canaux, ont fragilisé le sol, précipitant la submersion de l’Isle de Jean-Charles. En 2016, un financement de 48 millions de dollars a été alloué pour un programme de relogement, conduisant à la construction d’un lotissement sur un ancien champ de canne à sucre, à 70 km au nord de l’Isle.
Ce n’est qu’à partir de la fin de l’année 2022 que les habitants de l’Isle de Jean-Charles ont pu intégrer leurs nouvelles maisons, toutes données gratuitement. Les quelque trente foyers relocalisés représentent la première communauté nationale à être soutenue par un programme fédéral en raison des impacts du changement climatique. Ils portent ainsi le titre de premiers réfugiés climatiques officiellement reconnus aux États-Unis
” De 2016 à 2023, j’ai effectué six séjours à l’Isle de Jean-Charles. Pendant sept ans, j’ai documenté l’exode climatique de ses habitants, des derniers instants passés sur leur terre d’origine au commencement d’une nouvelle vie sur leur territoire d’accueil. Sept années où je me suis liée à eux, témoignant de vies d’adversité face à la réalité d’un anéantissement progressif. De fait, j’ai aussi fabriqué une mémoire d’un lieu qui n’existera bientôt plus – d’ici cinquante ans prévoient les scientifiques – et qui, aujourd’hui, ne ressemble déjà plus à celui que j’ai connu lorsque j’ai commencé à le photographier en 2016. L’ouragan Ida a en effet frappé violemment et dévasté la zone le 29 août 2021, avant même que les habitants ne soient relogés. Le coup de grâce pour l’Isle de Jean-Charles.”
Les travaux de Sandra Mehl sont à découvrir jusqu’au 17 septembre pendant la 35e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan.
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